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Un tsunami dans ma vie

Un tsunami dans ma vie, une vague à la fois...

J’écris ce texte pour toutes les familles qui doivent traverser l’aventure (j’aime mieux ce mot que épreuve) d’un diagnostique médical attendu ou inattendu.  Je suis de nature très positive, après avoir encaissé le choc, mon âme de combattante a voulu trouver des idées pour adoucir cette nouvelle qui venait bouleverser nos vies, surtout celle de ma grande.  Je souhaite, par ce message, partager ces idées qui sont venues accompagner le processus d’acceptation de toute notre famille, mais principalement celui de notre grande.


Retour des fêtes, ma grande est malade depuis quelques jours déjà.  Mon coeur de maman, qui m'indique normalement quoi faire, me dit qu'il y a quelque chose d'anormal chez ma cocotte, même si elle a tous les symptômes d’un gros rhume ou de la grippe, quelque chose me dit que c’est plus que ça.  Ça crie en dedans, dans mon ventre, je ressens qu'il se passe quelque chose.  Ma grande aussi le sent, elle me dit : « Maman, ça me rassurerait d'aller voir le médecin ».  Nous réussissons à avoir un rendez-vous pour le lendemain.  Ma raison me dit de ne pas m’inquiéter, que c’est probablement juste un virus passager, mais je choisis d’écouter mon cœur de maman, il me parle fort.  


Les choses dégringolent, le rendez-vous est à 2h40, tout le matin, ma grande dort, dort, dort...   La veille, son papa et moi avons observé une transformation de son corps, comme si tout à coup, elle avait perdu beaucoup de poids.  Lorsqu’elle se réveille, elle a faim.  Elle mange comme un ogre.  Sa respiration aussi a changé, mon inquiétude grime en flèche.  J’utilise toutes mes ressources pour me calmer, mais c’est insuffisant.


Le moment du rendez-vous arrive, l’incroyable et bienveillante infirmière (pour vrai, je lui suis tellement reconnaissante) qui nous reçoit au triage à la présence d’esprit de faire une glycémie étant donné la perte de poids soulevée par maman (c’est assez rare de faire une glycémie à un enfant lors d’un rendez-vous médical, elle aurait pu passer à côté puisque les signes n’étaient pas si clairs).  Sans dire un mot, elle nous transfère dans le bureau du médecin (aussi bienveillante que sa collègue, merci la vie!) qui m’annonce que ma grande est atteinte du diabète type 1. Tout en me rassurant, elle nous invite à nous déplacer à l’hôpital.  Nous choisissons le Children.  Encore une fois, mon instinct de maman me dit que c’est où nous devons aller, il avait tellement raison.  


L’équipe nous prend en charge.  Urgence, puis soins intensifs pour la nuit.  Ma grande est réhydratée (sa perte de poids était en fait une déshydratation causée par le sucre trop élevé) et on fait doucement descendre son sucre.  Tous les intervenants qu’on rencontre sont formidables.  Tout doucement, on nous enseigne à prendre soin de cet état (ma grande aime mieux état que maladie pour décrire son diabète), puis vient l’heure du retour à la maison.  


Ma grande est si forte, elle traverse cette aventure avec une résilience incroyable.  Nous sommes impressionnés par l’acceptation dont elle fait preuve.  Toutefois, à certains moments, les émotions prennent le dessus, on l’invite à les vivre puisqu’elles sont normales et nécessaires.  Un jour à la fois, une vague à la fois. 


Voici quelques idées d’actions ou d’activités qui nous ont permis à nous tous, mais surtout à notre cocotte, d’intégrer ce changement. 


  • Nous avons créé une pochette pour transporter ses outils pour son diabète lorsque nous sortons de la maison.  Elle a elle-même cousu une bonne partie de cette pochette.  Le résultat est parfait pour nous et notre chouette est tellement fière de dire qu’il vient d’elle. 


  • Elle a décoré un autocollant blanc (ceux qu’on met sur les livres) que nous avons apposé sur le bac qui contient toutes ses choses (glucomètre, aiguilles, insuline, etc.)


  • L’infirmière qui nous suit nous a offert des livres qui mettent en vedette des personnages qui découvrent qu’ils sont atteint du diabète comme Mya et qui apprennent à vivre avec (c’est une collection développée par Lilly Diabète - compagnie qui produit l’insuline que nous utilisons - en collaboration avec Disney pour les enfants atteint de diabète type 1). Nous avons fait la lecture de ces livres en famille.  Je crois que la littérature est remplie de bijoux et que les livres ont ce pouvoir d’aider les enfants à traverser les aventure qui traversent leur vie.  Une petite visite à la bibliothèque du quartier et une demande à votre bibliothécaire vous permettra très certainement de trouver quelques livres sur le sujet du diagnostique de votre enfant.


  • L’infirmière qui nous suit (quand je vous dis qu’ils sont formidables ces gens qui nous suivent) a aussi offert à notre grande un toutou à l’effigie du personnage des livres de Lilly/Disney.  Coco, le personnage, à un sac à dos qui contient un glucomètre, un crayon à insuline, un carnet pour noter les glycémies, un bracelet qui indique qu’elle est diabétique et une banane.  Depuis son arrivée, cette peluche occupe une grande place dans la vie de Mya.  Elle vérifie sa glycémie à tous les repas et elle lui fait ses injections comme nous le faisons avec elle.  Dans les derniers jours, nous avons expérimenté des hypoglycémies fréquentes, ça arrive lorsqu’on tente d’ajuster l’insuline, et notre grande trouvait cela difficile.  Je lui ai suggéré de chuchoter à l’oreille de Coco puisqu’elle aussi vit la même chose et qu’elle pourrait la comprendre.  Ça lui a fait le plus grand bien.  Dans le cas où il n’y a pas de toutou offert par l’hôpital, un nouveau toutou pourrait devenir l’ami de votre enfant.  Ce dernier pourrait être atteint de la même chose que lui.  Pour rendre la chose plus vraie, on peut lui ajouter quelques éléments faits main (couture - la feutrine est tellement facile à manipuler ou autre) qui rendront son diagnostique plus réaliste.  J’ai créé aujourd’hui un capteur pour le bras de coco puisque nous expérimentons la prise de glycémie avec un nouveau glucomètre sans piqûre.  Mya n’était pas chaude à l’idée d’installer le capteur (surtout que notre premier capteur était défectueux et que nous avons dû répéter l’exercice 2 fois en 2 jours), on en a créé un pour Coco pour dédramatiser l’événement.  On peut mettre à profit les talents de tante ou grand maman pour la confection des accessoires (médicaments, masque, prothèse, etc.) Votre enfant peut prendre soin de sa peluche comme vous le faites avec lui.  Je crois que de « jouer » avec la situation permet d’intégrer tous ces changements et bouleversements pour l’enfant.  

  • Une autre chose que nous avons fait est de mettre en parallèle le diabète et la personne.  Je voulais que notre cocotte sache qu’elle n’est pas que le diabète, c’est une partie d’elle, mais qu’il ne la définit pas entièrement.  Elle doit jongler avec, s’en occuper, mais elle est beaucoup plus que ça.  Nous l’avons appelé notre bébé diabète.  Au début, le diabète prenait beaucoup de place dans notre vie, réveils de nuit pour vérifier la glycémie, stress lors d’épisodes d’hyperglycémie et d’hypoglycémie, multiples visites à la pharmacie et à l’hôpital.  Nous avons décrété que c’est comme un bébé, au début, c’est prenant, mais on apprend à le connaître et ça devient moins intense.  Je trouve que c’est mignon et que ça permet de comprendre que ça deviendra plus simple avec le temps, comme avec un nouveau petit bébé.  Comme nous avons une petite sœur d’un an à la maison, cette comparaison est facile à comprendre pour notre fille.

  • Chez ma mère, il y a une boîte de Playmobil avec comme thème l’hôpital.  Les enfants (ma grande, mais aussi sa sœur et les petits cousins) se sont amusés à reproduire la scène de l’hôpital.  Revivre une scène, refaire le film de l’événement permet de mieux l’intégrer, de la digérer.  Chaque expérience vécue modifie la structure physique du cerveau puisque les neurones se joignent ou se disjoignent constamment en fonction de notre vécu. (Le cerveau de votre enfant, Dr Daniel J.Siegel, p.122). Rejouer la scène de l’hôpital en la terminant de façon positive permet au cerveau d’intégrer cette expérience marquante, mais qui se termine bien.  Les expériences négatives peuvent laisser des traces sur le cerveau, créer des souvenirs implicites qui pourraient resurgir dans la vie de notre enfant.  C’est pour cette raison qu’il est important de rendre ces souvenirs explicites.  Il y a dans notre cerveau un organe appelé l’hippocampe.  Ce dernier est responsable (j’explique ça simplement ici, mais vous pourriez en apprendre plus dans le livre mentionné quelques lignes plus haut ou sur le site Un cerveau à tous les niveaux de l’université Mc Gill) de faire un tableau avec les expériences vécues avc les sensations ressenties lors de l’événement.  Une expérience bien intégrée permet de faire un tableau bien ordonné, clair et compréhensible dans notre mémoire implicite.  À l’inverse, une expérience intense, pour laquelle on a pas pris le temps de l’intégrer et qui s’est transformée en souvenir implicite devient une bosse sur  laquelle on peut tomber lorsqu’on s’y attend pas.  C’est pour cela qu’on doit faire en sorte d’illuminer les moments pénibles afin de les rendre explicites.  Pour ce faire, plutôt que de penser que l’enfant finira par oublier ce qui l’a effrayé, il est préférable de parler de l’événement, de répondre aux questions de l’enfant en lien avec tout cela afin de se servir de ces mésaventures pour apprendre à mieux se maîtriser et mieux se connaître.  

  • Finalement, notre grande a une créativité débordante.  J’en ai donc profité pour l’encourager à intégrer ce qu’elle est en train de vivre dans ses créations.  Elle a décidé d’écrire une histoire mettant en vedette le diabète en s’inspirant de ce qu’elle a vécu.  Qui sait?  Peut-être un jour son histoire aidera d’autres enfants...  

Je pense qu’il ne faut pas négliger l’impact d’un tel changement dans la vie d’un enfant.  Ces petites actions permettent de faire des liens, d’accompagner le processus d’acceptation et de mettre un peu de couleur dans les moments plus gris.  Les enfants ont une grande force qu’il ne faut pas négliger non plus, en observant ma fille traverser cette aventure, je reçois une belle leçon de vie.  

Lorsqu’un tsunami frappe, les vagues sont très fortes, il faut les prendre une à une.  Il est aussi aidant de s’accrocher à un objet qui flotte pour reprendre ses forces et ainsi mieux faire face aux prochaines vagues.  Il faut surtout se rappeler que les tempêtes ne durent pas toute la vie.  Comme les épreuves, elles finissent par se calmer et souvent c’est à ce moment, lorsque tout redevient calme, qu’on aperçoit les plus jolis couchers de soleil.

En me relisant, je réalise que je suis aussi en train de permettre à mon cerveau et mon hippocampe d’intégrer et de clarifier le tableau correspondant à cette aventure, de le rendre explicite...  Un beau ménage pour aller de l’avant!

Mélissa Desrosiers